1999 | Rebecca 3 ans ¾, la petite sauvage profondément plongée dans l’autisme.
Écrit le . Publié dans Ce qu'ils en disent - Les parents,Etudes de cas enfants,MV-Bébés-Enfants et leur famille,MV-Ecrits et Multi-médias par Mara Vinadia,Témoignages.
Etude de cas, et témoignage écrit des parents, octobre 1999 - Genève. Suivi uniquement en Feldenkrais.
Le diagnostic médical :
Retard de développement, troubles envahissants et autisme.
En 10 séances de 1 h, fréquence bi-hebdomadaire, soit 10 heures sur 3 mois ½.
Résultat :
Rebecca devient une petite fille. Elle n’est plus tenue en laisse.
Résumé des observations cliniques :
- Rebecca est tenue en laisse en dehors de la maison (sécurité oblige !).
- Aucun signe de communication visuelle. L’attention fait défaut. Rebecca n’est pas présente, ni à son corps, ni à elle-même, ni à la vie. Le plus souvent, elle est silencieuse.
- Rebecca garde au minimum trois mètres de distance envers les autres, sauf sa famille. Elle est dans sa bulle, repliée sur elle-même, repousse toute intention d’approche vers elle. Elle ne se laisse pas toucher.
- Face à la frustration, aux limites, aux interdits et à l’autre, tout son être est imprégné du schéma d’action d’hyper-extension. Elle refuse, se tend en arc arrière, tremble, trépigne, se tétanise, déclenche des crises de cris et de violence contre elle-même. Elle s’exprime par des pleurs, cris rauques et stridents, râles graves, sons continus ascendant-descendant.
- Rebecca n’est pas articulée, dans tous les sens du terme. Les mouvements fondamentaux manquent. La régulation du tonus musculaire ne se fait pas, elle ne sait ni s’abandonner, ni faire preuve de nuances.
- Son mode d’apprentissage est uniquement en différé.
Au bout de 15 minutes, je saisis. Rebecca apprend et communique par imitations différées, tout en maintenant une distance de 3 mètres, sans jamais me faire face, en étant systématiquement de ¾ par rapport à moi. Branchée sur son regard périphérique, elle reproduit furtivement ou pleinement mes propositions avec un décalage de 6 à 7 séries d’actions. Je crée des séances en respectant la distance qu’elle impose.
Résultats
Progressivement, Rebecca sort de l’autisme :
- La communication visuelle existe enfin et s’exerce, ses yeux dans les miens. La capacité d’attention se met en route. Rebecca devient présente.
- Les fondements du langage verbal se font entendre : différenciation des sons, prosodie, respirations et rythmes. Les quelques mots dits sont justes et font exactement sens avec la situation.
- Le schéma d’action d’hyper-extension est abandonné dans une harmonie avec la flexion, la régulation du tonus musculaire et les mouvements fondamentaux. Rebecca commence à se laisser approcher et toucher. Sa bulle de trois mètres se réduit pas à pas. Les nuances et la fluidité se développent. Le plaisir de l’action et de la découverte sont maintenant possibles.
- La relation existe. Rebecca vient à moi d’abord sans me toucher. Elle me prend la main et m’invite au jeu. Elle vient à moi également lorsque je lui demande verbalement.
- Rebecca commence à composer avec la frustration et les limites.
- Son mode d’apprentissage est simultané.
La maman, lors du 1er rendez-vous – 1999 :
« Vous êtes la seule professionnelle avec qui elle a accepté de faire une séance depuis les 18 derniers mois. Avec vous, elle est en relation. Acceptez-vous de l’aider ? Les progrès de Rebecca se poursuivront de manière significative. Je la suivrai encore une année, à une fréquence hebdomadaire en incluant des pauses intégratives. Les parents quitteront Genève. Des nouvelles positives continueront à me parvenir. »
Témoignage des parents en 2000 :
« Ce que Rebecca a appris, dans les 4 premiers mois de suivi Feldenkrais :
- Elle accepte de s’habiller facilement. Elle tend à garder ses vêtements. Elle avait l’habitude de les enlever le plus souvent.
- Son comportement est de moins en moins sauvage, plus prévisible. Bien qu’elle soit encore dans la frustration parfois.
- Elle saute, à deux pieds ou sur un pied. Alors qu’elle n’y parvenait pas. Elle roule.
- Elle commence à parler. Avant, elle était une enfant très silencieuse. Elle parle même beaucoup, la plupart du temps à ses poupées et à elle-même. C’est une enfant très imaginative, toujours dans son propre monde, mais parlant désormais à des amis invisibles.
- Elle a commencé à communiquer avec des mots, des phrases simples.
- Rebecca indique toujours ce qu’elle veut par des actions plutôt que par des mots. Bien qu’elle parle de plus en plus.
- Le contact des yeux est quasi permanent.
- Sa compréhension ne cesse d’augmenter.
- Elle peut aller faire un tour dans le supermarché par elle-même et revenir.
- Elle est capable de d’attraper, de lancer, de faire rebondir une balle ou un ballon.
- Elle aime peindre et faire du modelage.
- Elle préfère toujours les adultes, mais devient plus sociable avec d’autres enfants.
- Lorsqu’elle regarde une vidéo, elle répète exactement ce que font les acteurs. Avant, elle était immobile.
- On peut demander quelque chose à Rebecca et elle obtempère. Avant, elle ne réagissait pas.
- Sur le trottoir, elle prend la main. Avant, c’était impossible.
- Elle ne mange plus les pièces du puzzle. Avant, c’était systématique.
- A la ludothèque, elle découvre les jouets : avant, elle les mangeait, les déchirait, les jetait.
- Elle commence à marquer un intérêt pour les livres, en présence de quelqu’un.
- Elle est de plus en plus amie avec son frère. »
Des nouvelles de Rebecca, par sa mère, courriel de Février 2008 :
« Bonjour, vous avez suivi ma fille Rebecca. Elle est âgée de 12 ans maintenant. Elle s’est améliorée de manière fantastique pendant vos séances et cela se poursuit. Nous vivons maintenant en Angleterre. Elle continue la méthode Feldenkrais. Elle est tellement différente de la petite fille que vous connaissiez. Elle a appris la lecture et les mathématiques. Elle suit un programme scolaire à la maison avec moi, niveau 7-8 ans. Le travail que vous avez fait a transformé notre vie de famille et ma vie. Encore tous mes vifs remerciements. Il nous arrive parfois de venir à Genève. Nous ne manquerons pas de vous rendre visite. Rebecca dit qu’elle se souvient de vous, et je pense que c’est vrai. »